8 novembre 2023
Entrée de ville avec zone 30
Cerema
Le 5 octobre 2023, le Cerema a organisé, en partenariat avec l’AITF (Association des Ingénieurs Territoriaux de France), une conférence technique territoriale sur les politiques de stationnement. Cette journée a été l’occasion de faire le point sur la façon dont ces politiques pouvaient répondre à quelques grands enjeux contemporains : décarbonation des mobilités, requalification de l’espace public, redynamisation des centres-villes, recherche d’équité sociale, transition écologique…

Cette conférence technique territoriale, organisée à Bron par le département Mobilités du Cerema Centre-Est, a permis de partager plusieurs retours d’expériences sur la conduite et la mise en œuvre de politiques de stationnement.

 

Parmi les transitions portées par les politiques de stationnement, certains enjeux tendent à se renforcer

Il est habituel de souligner à quel point les politiques de stationnement constituent un incontournable des politiques de mobilité et un levier extrêmement puissant pour faire évoluer les pratiques de déplacements. De la même façon, il est courant de souligner leurs traditionnels points faibles : manque de cohérence et de coordination entre acteurs (communes, intercommunalités, autorités organisatrices de la mobilité ont chacune des compétences en matière de stationnement), déficit de connaissance sur les différents volets de l’offre et leur fonctionnement, non-respect des réglementations de stationnement, faible attention portée aux besoins de stationnement des modes alternatifs à la voiture thermique individuelle…

Sur certains de ces points faibles, les dernières années ont apporté de nouveaux outils aux collectivités, avec notamment la réforme de dépénalisation du stationnement payant sur voirie qui a fortement contribué à moderniser les systèmes de paiement et de contrôle. Elles ont aussi renforcé les approches multimodales des politiques de stationnement, en amenant les collectivités à mieux répondre aux besoins spécifiques de stationnement des vélos, des véhicules en autopartage, des covoitureurs ou encore des véhicules électriques.

 

amphi de la CTT

 

Au-delà des enjeux de mobilité dont elles sont porteuses, les politiques de stationnement prennent de plus en plus en compte deux préoccupations majeures :

  • La question de la place de l’automobile sur l’espace public. Longtemps pensée de manière généreuse, cette place est désormais questionnée du fait des besoins concurrents croissants pour l’utilisation de cet espace et d’une demande d’espaces publics apaisés, agréables, végétalisés ;
  • Les efforts à réaliser en matière de transition écologique. En la matière, outre leur rôle en termes de report modal, les politiques de stationnement doivent intégrer des stratégies de déploiement des infrastructures de recharge pour les véhicules électriques (avec des obligations qui se sont renforcées, que ce soit dans l’offre publique ou privée) et penser différemment l’aménagement des parkings, en limitant l’imperméabilisation des sols ou en répondant aux obligations d’ombrage ou d’implantation d’ombrières photovoltaïques.

Reste l’épineuse question de l’acceptabilité de ces politiques. Il y a indéniablement une sensibilité particulière de la population et de certains acteurs économiques à l’égard de mesures contraignantes relatives au stationnement, ce qui peut parfois constituer un frein à la conduite de politiques volontaristes. Néanmoins les possibilités offertes de travailler à partir du stationnement sur le report modal, sur la qualité des espaces publics mais aussi sur l’attractivité économique du territoire ouvrent un champ d’innovation extrêmement intéressant pour concevoir et mettre en œuvre des politiques publiques à la fois ambitieuses et partagées.

 

Des politiques publiques de stationnement qui cherchent à concilier différents objectifs à plusieurs échelles

A travers les exemples des politiques présentées lors de la table-ronde inaugurale par Grenoble Alpes Métropole et par les villes de Chambéry et de Bourg-en-Bresse, se dégagent des préoccupations communes et une même volonté de concilier plusieurs objectifs :

  • Favoriser de nouvelles pratiques de mobilité davantage portées vers les modes alternatifs à la voiture particulière thermique, en répondant à leurs besoins spécifiques de stationnement. Le stationnement des vélos est ainsi un sujet d’attention grandissant, levier indispensable au développement de la pratique cyclable. En la matière, au-delà du simple nombre de places offertes, le niveau de service proposé (sécurisation, box…) se révèle primordial. Par ailleurs, le schéma directeur des parcs relais élaboré dans l’aire grenobloise, dans un contexte de mise en place de la Zone à Faibles Emissions, est un bon exemple de cette volonté de rapprocher la stratégie de mobilité et de stationnement à une échelle élargie ;
  • Améliorer la qualité de vie en ville, en favorisant l’appropriation de l’espace public pour d’autres usages que le stationnement. Témoignage de cette volonté qui s’accompagne forcément d’une réduction des places de stationnement sur voirie, des opérations de requalification de centre-ville ont été menées depuis plusieurs années, comme à Bourg-en-Bresse où des voiries et des places ont été restituées aux piétons et aux cyclistes et des espaces publics ont été réaménagés afin de rendre la ville plus agréable et plus résiliente ;
  • Préserver l’attractivité résidentielle et commerciale des centralités urbaines. Dans des contextes urbains où les modes alternatifs ne peuvent de toute façon pas répondre à l’ensemble des besoins de déplacements, l’accès automobile reste une réalité qu’il importe néanmoins de réguler. Pour ce faire, la réglementation du stationnement permet d’opérer des arbitrages entre les différents usagers de la voiture et d’assurer une disponibilité de places pour ceux que l’on souhaite accueillir. Dans cet esprit, la ville de Chambéry a procédé en 2023 à une refonte de sa politique de stationnement, en étendant ses zones réglementées, en articulant les tarifs proposés sur voirie et dans les parcs afin d’orienter davantage les usagers vers ces derniers et en proposant à ses habitants des abonnements solidaires sur voirie afin de maintenir une population résidente dans le centre-ville avec un souci de mixité sociale.

 

BourgEnBresse

Mieux connaître les différents volets de l’offre et les usages en matière de stationnement, c’est essentiel… et possible

Si la connaissance de l’offre et de ses usages est une dimension fondamentale des politiques de stationnement, elle en est souvent le parent pauvre. Alors que les échanges ont insisté sur la nécessité de pouvoir objectiver les choses en phase étude et de pouvoir faire un bilan après mise en œuvre pour aider à une meilleure acceptabilité des politiques, la journée a également montré qu’il y avait un réel enjeu à s’attaquer aux zones d’ombre d’un stationnement urbain protéiforme par nature :

  • L’offre privée apparaît comme très mal connue par la puissance publique, alors qu’il s’agit généralement du plus gros gisement d’offre sur un territoire. L’Agence de Développement et d’Urbanisme de Lille Métropole et le Cerema se sont donc associés pour répondre aux besoins de connaissance de la Métropole Européenne de Lille et ont présenté la méthodologie innovante qu’ils ont développée pour analyser l’offre de stationnement privé à partir des fichiers fonciers ;
  • La Fédération Nationale des Métiers du Stationnement (FNMS) a présenté en quoi la digitalisation des données, issues de l’exploitation du stationnement sur voirie et en ouvrage, et leur interopérabilité représentaient un enjeu important pour améliorer l’efficacité opérationnelle et le pilotage des politiques de stationnement, mais aussi pour échanger avec d’autres écosystèmes liés à la mobilité durable et aux autres enjeux dont ces politiques sont porteuses ;
  • Le Cerema a enfin présenté l’appel à partenariat qu’il lance à destination des communes d’Auvergne Rhône Alpes et de Bourgogne Franche Comté. Il consiste à expérimenter sur 3 à 5 territoires des méthodes légères et protéiformes de diagnostic permettant d’identifier des marges de manœuvre et des pistes d’actions en matière de stationnement afin de mener des politiques au service d’une mobilité plus durable et d’un espace public apaisé.

 

Un champ d’innovations pour les politiques locales

Les dernières présentations de la journée ont démontré que les politiques locales de stationnement pouvaient être un champ d’innovations, que ce soit en matière de réglementation, de technologie ou de concertation :

  • La ville de Lyon a présenté la nouvelle tarification du stationnement sur voirie qui sera mise en œuvre en 2024 sur la base de principes inédits. Plus juste, écologique et solidaire, elle tiendra compte à la fois de la motorisation des véhicules, de leurs poids, mais aussi de la taille et du revenu des ménages ;

  • La ville de Tarare a mis en place en 2023 un système de stationnement intelligent dans le cadre de sa politique de revitalisation du centre-ville. Ce système basé sur l’installation de caméras et de capteurs a pour objectif de réduire la circulation liée à la recherche de stationnement et d’augmenter la rotation et la disponibilité de places dans les secteurs tendus, en mettant en place un jalonnement dynamique vers les parkings en entrée de ville puis en guidant les usagers à pied vers le centre ;

  • Le Cerema a accompagné en 2022 et 2023 la ville d’Arcueil dans une démarche innovante de participation citoyenne sur la refonte de sa politique de stationnement. Cette démarche s’est notamment traduite par la mise en place d’une convention citoyenne, composée de citoyens tirés au sort qui ont travaillé de manière dépassionnée sur des orientations et des scénarios d’actions pour la future politique de stationnement de la commune.

Autour de ces présentations, cette journée a enfin permis de riches échanges entre les participants, insistant en particulier sur l’intérêt d’améliorer la connaissance du stationnement et de ses usages pour mieux asseoir les politiques menées, de mener des expérimentations pour donner à voir l’utilité de nouvelles mesures, et de mieux connecter les politiques de stationnement avec les autres politiques publiques menées sur le territoire afin de renforcer leur légitimité respective.