8 janvier 2024
Jardins collectifs à Saint-Ouen entourés d'immeubles
Cerema
À l’aune du zéro artificialisation nette, les collectivités et EPCI doivent construire une stratégie de nature en ville basée sur la préservation et la renaturation des sols. Leur prise en compte, élément clé de l’écosystème urbain, est cruciale. Il s'agit de croiser disponibilités foncières, usages et enjeux environnementaux pour favoriser la nature en ville.
Des méthodes de renaturation permettent d’identifier les zones à renaturer en priorité en fonction des enjeux environnementaux du territoire.

Cet article du Cerema a été publié initialement par notre partenaire TechniCités.

Les sols constituent une ressource non renouvelable à l’échelle d’une vie humaine et ont un rôle clé dans le fonctionnement des écosystèmes, de par les fonctions
écologiques qu’ils assurent comme l’infiltration de l’eau, l’accueil de la biodiversité, la production primaire, le stockage de carbone ou encore le support de paysage et les fonctions anthropiques liées aux usages et pratiques humaines (cf. schéma ci-dessous).

 

Connaître les sols pour mettre en œuvre la sobriété foncière

En 2018, la plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES) a alerté sur la dégradation accélérée des sols touchant plus de 75 % des terres émergées [1].

De plus en plus de sols sont dégradés, lessivés, artificialisés ou pollués ce qui se traduit généralement par une perte partielle ou totale de leurs fonctions.

En milieu urbain et périurbain, le changement climatique, combiné à l’artificialisation des sols, engendre des phénomènes préjudiciables au bien-être et à la santé des habitants en termes d’îlots de chaleur urbains, de risque d’inondation, d’érosion de la biodiversité, de détérioration du cadre de vie, de perte de sols naturels et agricoles. Lorsque l’artificialisation se traduit par une imperméabilisation totale du sol, les fonctions écologiques sont réduites à leur plus simple expression voire disparaissent.

Face à ce constat, la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 dite loi Climat et résilience porte la lutte contre l’artificialisation des sols et introduit l’objectif du zéro artificialisation nette (ZAN) autour d’un double enjeu de sobriété foncière et de qualité des sols en lien avec leurs fonctions. Elle permet ainsi de repenser le concept de nature en ville en intégrant, en complément de la biodiversité, de la gestion de l’eau et de la végétalisation des espaces, une nouvelle brique : celle du sol. 

 

 

Quel que soit le projet d’aménagement concerné, la connaissance des sols est cruciale
 
car c’est un élément central de l’écosystème qu’il convient de préserver au mieux.

 

 

encourager la Renaturation des villes

Noue à Narbonne - Cerema

En parallèle, un croisement avec les projets d’aménagement ou encore les opportunités foncières, permet de hiérarchiser les zones propices à la désimperméabilisation. La méthode a été appliquée sur le territoire du Scot du Grand Narbonne.

Une autre application de cette stratégie de désimperméabilisation a été réalisée à une échelle plus fine, celle des cours d’école, en intégrant d’autres facteurs complémentaires tels que la surface des cours, le chiffrage des coûts, les échanges avec les parents d’élèves et les enseignants, la mutualisation possible avec d’autres travaux, etc. Cette méthode permet aux élus de hiérarchiser les cours à désimperméabiliser en priorité. Un diagnostic plus fin devra être mis en œuvre pour la réalisation du projet sur les écoles retenues.

Concernant les stratégies de renaturation, des méthodes plus globales se sont développées ces dernières années. Le plus souvent, ces méthodes permettent d’identifier les zones à renaturer en priorité en milieu urbain en fonction des enjeux environnementaux présents sur ce territoire tels que les îlots de chaleur urbains, les risques d’inondation, l’érosion de la biodiversité ou encore la carence en espaces verts ainsi que des opportunités foncières en lien avec les projets d’aménagement et les friches du territoire.

C’est par exemple le cas de la ville d’Angoulême qui s’est engagée sur une stratégie de renaturation en lien avec la création de "Poumons verts" afin d’offrir des lieux de détente, de loisirs et de fraîcheur au plus près des Pour ce faire, le Cerema a développé une méthodologie permettant de hiérarchiser les zones à renaturer en se basant sur plusieurs enjeux tels que le potentiel de désimperméabilisation, les corridors écologiques à rétablir, la nécessité d’atténuer l’effet d’îlot de chaleur urbain, les mobilités piétonnes et cyclables à développer ou encore un contexte paysager à valoriser. 

Le résultat permet à la collectivité de cibler les zones sur lesquelles les enjeux environnementaux se cumulent et sur lesquelles des opportunités de renaturation sont à saisir. Cette stratégie permet d’avoir une approche méthodologique structurée, et de sensibiliser la population aux enjeux de nature ou d’adaptation au changement climatique.

 

 

Les sols en capacité "potentielle" 

Désimparméabilisation et végétalisation à Bagneux

D’autres méthodes d’identification du potentiel de renaturation se sont aussi développées ces dernières années, se basant également sur les enjeux environnementaux des territoires et leurs opportunités foncières mais aussi en plaçant la qualité des sols au cœur de la stratégie de préservation et de renaturation [5]. Il s’agit d’identifier les sols en capacité "potentielle" de remplir tout ou partie des fonctions exercées par un sol naturel. Ainsi, les sols à forte capacité à fonctionner constituent des sols à préserver en milieu urbain tandis que ceux qui ont une capacité moyenne ou nulle constituent ceux à renaturer en priorité.

Pour ces derniers, un volet sur les enjeux du territoire ainsi que sur le degré de mutabilité des espaces (en lien avec le zonage du plan local d’urbanisme en vigueur, au nombre et type de propriétaires concernés et aux coefficients d’occupation des sols) complète la démarche d’identification du potentiel de renaturation.

Cette approche reste bien sûr à confronter à la réalité du terrain et à des diagnostics plus fins pour qualifier les sols. Alors que les outils d’aide à la décision se développent, le travail d’accompagnement et de sensibilisation des collectivités, élus et services techniques demeure indispensable, tout comme la capitalisation, via des retours d’expériences par exemple, pour améliorer les méthodes et les rendre génériques. Il est également nécessaire de produire des cahiers des charges pour aider les collectivités à acquérir des données sol en milieu urbain afin d’affiner la connaissance des sites suite à ce prétravail de hiérarchisation. |

 

Par Philippe Branchu, responsable du programme transversal eau, sol, nature, chercheur associé à l’équipe TEAM ; Christelle Neaud, responsable d’études en écologie urbaine ;Pierre Ouallet, chargé d’études en environnement et aménagement, Cerema.

 



[1] IPBES (2018) : The IPBES assessment report on land degradation and restoration. Montanarella L., Scholes R., and Brainich A. (eds.). Secretariat of the Intergovernmental Science-Policy Platform on Biodiversity and Ecosystem
Services, Bonn, Germany. 744 pages.
[2] experimentationsurbaines.ademe.fr
[3] DESTISOL : Les sols, une opportunité pour un aménagement urbain durable.
[4] Les livrables du projet MUSE (article Cerema).
[5] Commet identifier un potentiel de renaturation à large échelle ? (article Cerema).
 

Dans le dossier Nature en Ville : développer les solutions fondées sur la nature dans le milieu urbain

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